L’attrait de la région, au-delà des couchers de soleil

Elles sont fort apaisantes, ces lueurs carmin qui enflamment le ciel; fort réconfortants, ces reflets orangés qui embrasent l’horizon, soir après soir, annonçant la tombée d’un jour usé, l’arrivée d’une nuit qui porte conseil. Les couchers de soleil, ceux qui irradient les confins du panorama, ceux qui font patiemment attendre les étoiles, donnent certainement les plus beaux clichés de vacances dans la quiétude de l’Est. Mais au-delà des paysages à couper le souffle, les régions ont tant à offrir, tant à voir bâtir, tant à faire découvrir.

Et pendant que certaines villes de région continuent de se tirailler le titre de « lieu incontesté du plus beau crépuscule », d’autres se questionnent sur ce qui les distingue vraiment, pour attirer plus que les rêveries passagères d’un touriste, mais plutôt les grands rêves d’un futur résident permanent. Celui qui, tombé sous le charme d’un village sous toutes ses facettes, créera une vague emportant avec elle la pénurie de main-d’œuvre qui sévit. Parmi ces villes dites « chasseuses de têtes », nous retrouvons notamment Matane.

Au cours de l’année 2020, le Fonds d’innovation et de développement économique local (FIDEL) de la Matanie, en partenariat avec la SADC, a fait appel à Frédéric Laurin, professeur d’économie à l’Université du Québec à Trois-Rivières spécialisé en développement régional, pour la réalisation d’une étude sur le coût de la vie des Matanaises et Matanais. Cette étude compare la ville de Matane à des régions similaires du Québec ainsi qu’aux deux grands centres urbains de Québec et Montréal, et ce, en fonction de divers types de dépenses courantes : loyer, prix des maisons, charge fiscale municipale, prix de l’essence, assurances et stationnement. Au terme de cette étude basée sur des données de 2019, les résultats indiquent que Matane fait très bonne figure et se classe généralement en haut de liste, parmi les endroits les moins chers où s’établir.

Devant ces résultats probants, quoi faire maintenant? Transformer ce coucher de soleil en aura au magnétisme perpétuel, en mettant en place des stratégies de marketing territorial efficaces qui s’appuient sur un potentiel attractif réel. Pour Frédéric Laurin, qui siège sur différents comités et projets de marketing territorial, dont le regroupement d’entrepreneurs GROUPÉ en Mauricie, le développement des régions est une grande préoccupation, particulièrement face à cette pénurie de main-d’œuvre qui s’y intensifie depuis quelques années, dans tous les secteurs d’activité. Il importe de joindre les travailleurs là où ils se trouvent, dans les grands centres, et tenter de cibler les critères qu’ils recherchent au sein d’un milieu de travail, ainsi que les facteurs régionaux qui les inciteraient à migrer.

Selon Frédéric Laurin, les régions doivent profiter du contexte économique actuel qui leur est favorable et qui démontre l’essoufflement provoqué par la forte concentration dans les métropoles. Les loyers hors de prix, le trafic incessant, le bruit assourdissant… les grandes villes deviennent de plus en plus frustrantes, au profit d’un phénomène de dispersion grandissant vers les régions. Mais il n’en demeure pas moins que les citadins possèdent une connaissance plutôt limitée des régions, outre les grands espaces et un fleuve à perte de vue. La balle est dans le camp de ces entreprises aux pratiques innovantes en gestion des ressources humaines, de ces restaurants maîtres d’une riche gastronomie locale, de ces centres-villes dynamiques et rassembleurs, de ces instances municipales et leurs incitatifs créatifs et invitants, de ces organismes de soutien à l’entrepreneuriat… afin de parler droit au cœur de tous ceux et celles qui désirent s’autoréaliser… ailleurs. Car même s’il est clair qu’il est moins dispendieux d’y habiter, il faut aussi signifier à quel point il fait bon y vivre.

S’il y a bien une chose que cette crise sanitaire a pu nous révéler, c’est que plusieurs caressaient déjà ce désir de réinventer leur vie en région, d’acheter cette maison abordable mais si éloignée, d’enfin oser un retour à la terre après des années dans une tour de bureaux. Certains, depuis, y ont sauté à pieds joints. D’autres attendent encore cette petite poussée qui les fera tout recommencer.

Il ne tient qu’à ces villes, MRC et régions d’incarner cette formidable poussée vers le renouveau. Et dans quelques années, peut-être, les régions se disputeront-elles pour un autre titre, soit celui du « meilleur solde migratoire ». Parce que le coucher de soleil sera toujours le plus beau d’où l’on se trouve, tant que l’on se sent chez soi.